A L´ORIGINE DE LA PARFUMERIE: L´ORIENT


L’industrie actuelle du parfum est une activité tellement concentrée en Occident, qu’on en vient à oublier qu’il s’agit surtout d’un art oriental. Certes les références aux parfums dits « orientaux » ne manquent pas : lorsque François Coty dans les années vingt invente la parfumerie moderne, il donne à ses créations des noms aux allures méditerranéennes et orientales, comme Origan ou Chypre. Guerlain créera Shalimar et plus près de nous Opium, Byzance ou Jaipur sont encore des hommages à l’Orient.

L’histoire de la parfumerie pourrait presque se résumer à un long voyage de l’Orient extrême vers l’Europe en vagues successives. 

Encenssoir
D’abord, il y eut le goût inné de l’homme pour les « bonnes odeurs » et la découverte que les plantes qui sentent bon ont aussi en général des vertus thérapeutiques : ainsi retrouvons-nous à l’origine une aromathérapie – qui revient en vogue aujourd’hui – pratiquée par les médecines anciennes chinoise, tibétaine et ayurvédique (indienne). Derrière le « miracle » des parfums guérisseurs, viendra celui de la révélation religieuse : le parfum est un signe des Dieux (Mahabarata, Egypte ancienne, Grèce). Les grands mouvements religieux seront aussi porteurs de messages olfactifs : la Bible y fait de nombreuses références. Et le présent des Rois mages à Bethléem n’est-il pas surtout celui des parfums de myrrhe et d’encens ? Plus tard, pour Mani, l’`« éther » originel serait composé des seuls parfums et couleurs. Mahomet, quant à lui, était fils de parfumeur-épicier…


La mythologie et la poésie orientales sont pleines de parfums. Les princes, de l’Andalousie à l’Inde des moghols, sont préoccupés de vivre parmi des senteurs enivrantes qui préfigurent le paradis. Jardins et premières compositions de parfums par distillation en seront l’expression. En occident, on cherchera à se procurer les épices, l’art de la médecine et des parfums orientaux lors des croisades puis par la grande aventure des découvertes. Les Italiens (siciliens, vénitiens et génois, mais aussi commanditaires florentins) en seront les premiers bénéficiaires et l’art de la renaissance est aussi celui de la renaissance des parfums jadis si importants à Athènes ou dans la Rome impériale.

Catherine de Médicis
C’est tout naturellement la Florentine Catherine de Médicis qui introduit la parfumerie moderne en France.

Ce long chemin des parfums vient de la nuit des temps, de Chine et d’Inde ; il connaît des moments intenses en Egypte, en Perse, en Grèce, à Rome, puis revient en Occident - après avoir été presque confisqué pendant plus de mille ans par les Arabes -, en Italie puis en France, à Grasse, au XVIIIème siècle. Ce long chemin s’identifie parfois à celui des caravanes qui transportaient pour le compte de la Reine de Saba le précieux encens, ou d’Inde à Byzance les épices et les atars. C’est cette route historique et initiatique que nous souhaitons reconnaître et présenter au lecteur.

Non pas seulement un itinéraire historique : mais aussi celui des arts et traditions populaires encore vivants aujourd’hui. A travers plusieurs chapitres consacrés aux grands pays orientaux des parfums, on découvrira un univers qui nous vient des civilisations de l’Orient et qui nous touche encore quand nous les visitons : encens parfumant les temples bouddhistes ou hindous, épices odorantes des marchés orientaux, médecine populaire, plats parfumés, cosmétologie féminine traditionnelle, fêtes et rituels.

Pour les parfums proprement dits, on s’attachera à découvrir les traces des grandes traditions, tant dans le domaine de la fabrication, que les essences rares, végétales ou animales (encens, santal, musc, ambre etc.), que les goûts, voire les engouements, pour la rose, le jasmin ou l’agar. On visitera les sites de l’ancienne splendeur de ces civilisations, on rencontrera des parfumeurs, et aussi les habitants pour les suivre dans la quotidienneté de leur fréquentation du monde des senteurs. 
Certes l’histoire, certes l’ethnologie, mais sur le ton du voyageur curieux plus que de l’érudit.
J’imagine un Beau livre où l’illustration ( iconographie historique, peintures « orientalistes », photographies) viendrait relayer le propos pour donner à voir et surtout à rêver de ces civilisations englouties (parfois encore vivantes), là où  « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté »…